Dire que la mode ignore les frontières serait mentir. Pourtant, certaines griffes choisissent aujourd’hui de ne plus séparer leurs collections selon le genre, tandis que le calendrier officiel continue d’imposer des défilés distincts pour hommes et femmes. Les codes vestimentaires, longtemps dictés par l’État ou l’Église en Europe, n’ont jamais connu l’universalité ni la permanence qu’on leur attribue parfois. À l’opposé, plusieurs sociétés traditionnelles d’Asie ou du Pacifique ont, bien avant nous, adopté des tenues où la distinction stricte de genre n’existait tout simplement pas. Le terme « gender fluid » ne fait son apparition dans les bases de données linguistiques qu’en 2010. Pourtant, on observe la pratique d’un vêtement sans barrière binaire bien avant l’invention de ce mot.
Vêtement gender fluid : de quoi parle-t-on vraiment ?
Le vêtement gender fluid se dérobe aux catégories habituelles. Ni destiné exclusivement aux hommes, ni réservé uniquement aux femmes, il célèbre la fluidité de genre. Cette approche interroge la frontière binaire et propose une voie alternative, loin de la segmentation traditionnelle du vestiaire. Ici, le choix de la coupe, des couleurs ou des matières ne dicte plus d’assignation. Le vêtement genderless ou gender neutral devient un laboratoire pour celles et ceux qui souhaitent afficher une expression de soi libérée des normes de genre.
Ce courant ne relève pas d’un simple engouement passager. Il incarne une mutation profonde. Les créateurs s’emparent du prêt-à-porter, imaginent des collections sans étiquette, façonnent des silhouettes où l’androgynie devient un langage partagé. La non-binarité n’est plus reléguée à la marge : elle s’affiche comme une expérience vécue par de nombreuses personnes gender fluid. À travers cette diversité d’identités de genre, s’esquisse une pluralité de styles :
- des chemises amples
- des tailleurs croisés
- des jupes portées par tous, sans distinction
La mode genderfluid interroge, dérange parfois, mais avant tout, elle libère. Elle fait du vêtement un manifeste : outil d’expression de genre en mouvement, miroir d’une époque en quête de sens et d’éco-responsabilité.
Aux origines d’une mode qui bouscule les codes
La mode n’a jamais cessé de jouer avec les frontières du masculin et du féminin. Le vêtement gender fluid s’inscrit dans une histoire longue, celle des transgressions des codes du genre. Dès les années 1920, Coco Chanel introduit le pantalon dans le vestiaire féminin, puisant dans celui des hommes pour offrir une nouvelle liberté. Des décennies plus tard, Yves Saint Laurent impose le smoking au féminin, créant des contrastes forts sur les podiums.
Dans les années 1970, David Bowie incarne l’androgynie, brouillant volontairement les repères. Jean-Paul Gaultier s’empare de la question, bousculant à son tour la binarité avec une audace qui marque l’époque. Les icônes de la pop culture s’approprient ces nouveaux codes. Le masculin-féminin devient visible, loin des conventions, et remet en question la normalité telle qu’on la concevait.
Plus près de nous, des maisons comme Gucci, Balenciaga ou Stella McCartney présentent sur les podiums des pièces genderless, abolissant la frontière vestimentaire entre les genres. Ce mouvement grandit, porté par des aspirations à plus de libération et de diversité. Il s’exprime dans les collections, mais aussi dans la rue. Le prêt-à-porter accompagne cette évolution, transformant le vêtement en manifeste. Aujourd’hui, les notions de masculiniser ou féminiser s’effacent derrière une volonté d’expression de soi et de rejet des étiquettes figées.
Pourquoi le gender fluid séduit-il une nouvelle génération ?
La génération actuelle, celle des millennials et de la génération Z, entretient un rapport décomplexé à la fluidité du genre. Elle remet en cause la notion de binaire et revendique une expression de soi qui s’affranchit des cadres imposés. Le vêtement gender fluid devient le symbole d’une identité plurielle qui ne se limite plus à l’opposition fille-garçon.
Ce positionnement reflète une volonté de visibilité et d’affirmation pour les personnes non-binaires ou celles en questionnement sur leur identité de genre. Porter du genderless, c’est refuser d’être assigné à un pôle, assumer la complexité de son expérience. Ce mouvement touche aussi bien les personnes LGBTQ+ que celles qui, indépendamment de leur orientation, souhaitent s’affranchir des codes imposés.
Les collections de mode répondent à cette attente par des pièces où les distinctions de genre s’estompent. Quelques exemples concrets illustrent cette évolution :
- manteaux oversize
- chemises amples
- accessoires neutres
- chaussures écoresponsables pensées sans distinction de genre
Le prêt-à-porter s’adapte, les créateurs multiplient les propositions pour toutes les morphologies et toutes les identités. Sur les réseaux sociaux, chaque profil devient une vitrine, chaque tenue une affirmation silencieuse d’une liberté revendiquée. La fluidité de genre s’impose pour une jeunesse qui refuse les étiquettes, préférant la nuance à la contrainte.
Entre expression de soi et engagement, ce que signifie porter du gender fluid aujourd’hui
Porter un vêtement gender fluid ne se limite plus à un choix esthétique. C’est un geste, parfois une affirmation politique. Au-delà du tissu, la signification touche à la liberté de l’expression de soi, à la revendication de la non-binarité et à la volonté de questionner la distinction des genres. Dans les rues de Paris, dans les écoles ou sur le marché du travail, la présence de ces tenues interpelle les normes sociales et professionnelles.
La mode gender fluid s’inscrit dans un mouvement d’inclusivité et de diversité. Les enseignes de prêt-à-porter adaptent leurs collections pour proposer des vêtements sans assignation, permettant à chacun de construire une identité qui ne se laisse plus enfermer dans une case. Ce choix soulève aussi la question de la neutralité et de l’égalité dans l’espace public, à une époque où l’apparence conserve un poids social déterminant.
Les personnes qui se reconnaissent dans cette fluidité décrivent souvent un rapport apaisé à leur identité de genre. Certaines revendiquent une identité stable sans chercher à transitionner ; d’autres voient le genre comme un spectre, en mouvement perpétuel. Les vêtements genderless deviennent alors les pièces d’un nouveau langage social, où chacun écrit sa propre histoire. Cette visibilité, en France comme ailleurs, nourrit le débat sur la place des genres et la légitimité de chaque parcours.
Le vêtement gender fluid, loin de se limiter à une silhouette, bouscule les habitudes et invite à envisager la mode comme le terrain d’un dialogue ouvert, où chaque identité trouve sa place, hors des lignes tracées à la règle.

